Borne enterrée dans un champs à Zekounga. Chaque borne transforme un terrain en réserve foncière.

Abel dans son champ, destiné à disparaître avec le lotissement imposé à son village.

Abel est le papa de Didier, instituteur incarcéré durant un mois en décembre 2013. « Nous sommes de pauvres cultivateurs qui nous débrouillons avec nos cultures et Adama Zongo nous fait souffrir jusqu’à faire enfermer nos enfants ».

Plan d'aménagement du lotissement privé prévu sur les terres du village de Zekounga.

Né à Zekounga, Joachim a investi toutes ses économies pour créer un petit élevage afin de mieux nourrir sa famille.

Joachim, montrant le tracé de la route prévue sur sa concession.

Un enclos borné, devenu réserve foncière pour le futur lotissement privé imposé au villageois de Zekounga.

Koutienga, gardiens des fétiches de Zekounga, a été emprisonné 48h avec le chef du village en novembre 2013.

Le Goug-Naaba de Zekounga. Ce chef de village lutte pacifiquement pour la sauvegarde de ses terres. Il a été emprisonné 48h en novembre 2013, suite à une plainte du maire de Tanghin-Dassouri pour "trouble de lotissement".

Seydou Traore, président du Mouvement Solidarité Droit au Logement, reçoit chaque jour des personnes confrontées à des conflits fonciers en les informant sur leurs droits. Il soutient activement le village de Zekounga.

Tarnagda, jeune juriste bénévole, se mobilise avec Seydou Traore pour défendre le village de Zekounga.

Seydou discute avec une dame venue le féliciter de sa libération, en décembre 2013. Incarcéré suite à un meeting de soutien aux villageois de Zekounga à la Bourse du Travail de Ouagadougou, il a été libéré grâce à la mobilisation du réseau No Vox.

Adama Zongo en couverture du journal le Quotidien. Maire de Tanghin-Dassouri, cet élu est le président de la FEDAP-BC, la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré, président du Burkina Faso depuis 1987.

Des jeunes de Zekounga manifestent pour la libération de six hommes de leur village, lors d'un sit-in à Ouagadougou.

Clémence manifeste pour la libération de six hommes de Zekounga, dont son beau-frère Léon fait parti.

Clemence montre à son voisin Paul la borne posée sur la concession de sa famille, transformée en réserve foncière.

Clémence, habitante de Zekounga, sur la concession où vit sa famille, menacée par la construction d'un lotissement privé.

Agnès dans sa chambre. Après l'opération de bornage, le comblement du trou laissé dans les murs est à la charge des villageois.

Tipoko pose devant le mur rebouché de sa maison, troué suite au bornage de Zekounga en juin 2013.

Un kiosque du village de Zekounga, où les jeunes peuvent venir boire un café et jouer au babyfoot.

Emmanuel gagne sa vie en transportant du matériel de chantier. La concession de sa famille est menacée par le projet de lotissement.

La famille d'Emmanuel vend du dolo sur place ou à emporter, dans un petit cabaret à l'entrée de la concession.

 

Retrouvailles devant une borne de lotissement, le jour du retour au village des six hommes de Zekounga emprisonnés durant un mois, suite à une plainte du maire de Tanghin-Dassouri.

Marcel, Albert, Didier, Jean-Pierre, Pascal et Léon (de gauche à droite). Emprisonnés suite à une plainte du maire de Tanghin Dassouri, ils ont été libérés le 10 janvier 2014, après un mois de détention.

Madeleine prenant la parole pour féliciter les siens et les encourager à ne pas baisser les bras. Chanteuse de cabaret à Ouaga, Madeleine est réputée pour sa bonne humeur communicative. Elle soutient activement ses proches restés vivre au village.

Carte du découpage de la ville de Ouagadougou. Zekounga s'y trouve, dans l'arrondissement 8 de la capitale. Le maire de Tanghin-Dassouri l'a annexé en 2012, bien que sa commune rurale se trouve à plus de 20km du village.

Albert et Didier montrent le trou laissé dans la cours de leur ami Pascal, lors du bornage de leur village en juin 2013.

Pascal Zongo. Sa concession et ses champs devaient disparaître avec le projet de lotissement.

En juin 2013, des hommes sont venus borner Zekounga sous escorte armée pour transformer les terres du village en réserves foncières.

Sophie Zongo préparant le repas du soir chez elle. Sa cuisine a été cassée et bornée durant l'été 2013.

Préparation du dolo (bière de mil). Les femmes de Zekounga en préparent chaque semaine pour en faire commerce. Elles en produisent aussi en grande quantité à l’occasion de fêtes traditionnelles.

 

Fête traditionnelle en l'honneur du chef de Zekounga, le 22 février 2014.

Chef coutumier de Bassinko, venu rendre visite au chef de Zekounga lors d'une fête traditionnelle. Sa présence fût interprété comme un soutien aux villageois en lutte pour sauvegarder leurs terres.

Joanny Ouédraogo, maire de l'arrondissement 8 de Ouagadougou, dont relève Zekounga. Les villageois attendent son soutien face aux agissements du maire de Tanghin-Dassouri. Son appartenance au CDP (parti présidentiel) le mets en délicate position.

 

 

 

ZEKOUNGA, UNE LUTTE POUR LA TERRE

La chute de gouvernement Compaoré les 30 et 31 octobre 2014 a réjouis bon nombre de burkinabè, en premier lieu ceux dont la terre était menacée par la convoitise de certains caciques du régime chassé.

Les villageois de Zekounga sont de ceux-là et l'histoire de l'expropriation programmée de leur village donne un aperçu des abus de pouvoir dans le secteur foncier au Burkina Faso. Depuis 2010, ce village de l'arrondissement 8 de Ouagadougou s'opposait vigoureusement au projet de lotissement privé du maire de la commune voisine de Tanghin-Dassouri, nommé Adama Zongo. Les villageois se disaient victimes de l'impunité dont bénéficiait cet élu, président de la FEDAP-BC (association des amis de Blaise Compaoré) réputé proche de l'ancien président chassé par l'insurrection.

Adama Zongo avait entrepris la construction d'un vaste lotissement privé sur les terres du village, bien que celui-ci ne dépende pas de sa commune rurale. Pour arriver à ses fins, l'élu pratiquait l'intimidation, provoquant des détentions arbitraires de personnes écoutées des villageois, après avoir annexé Zekounga à sa commune rurale, puis envoyé des hommes en armes escorter des géographes, venus borner les champs et les habitations, transformés en réserves foncières.

Le habitants ont cependant résisté avec l'aide de militants locaux tel que Seydou Traore du mouvement Droit au logement (MSP-DROL), qui tente inlassablement d'alerter l'opinion sur la lutte pacifique menée à Zekounga pour faire valoir les droits des villageois.

A la veille d'une nouvelle année d'élections, le Burkina Faso a vu certains membres du parti présidentiel multiplier les opérations foncières, de peur de voir tomber leurs privilèges si le pouvoir venait à changer de main. Dans ce contexte, les affaires d'expropriation des terres se sont ainsi amplifiées de façon inquiétante selon des avocats et juristes du droit au logement.

Les populations rurales pauvres en sont souvent les premières victimes, rendues plus vulnérables une fois expropriées, celles-ci se nourrissant essentiellement du produit de leur champs.

Mobilisés tout l'hiver pour faire libérer les leurs, les habitants de Zekounga comptaient bien poursuivre leur lutte pour rester en paix sur leurs terres.

L'insurrection populaire qui a chassé le régime de Compaoré, a finalement permit la suspension des opérations à caractère foncier le 6 novembre 2014, accordant un répit mérité au village, face aux mauvaises manières de l'ancien «puissant maire», Adama Zongo.

Peu après la nomination du conseil ministériel de transition, le ministre de l'Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité, Monsieur Barry, avait déclaré "Le domaine du foncier pue tellement qu’on n’a pas besoin de se rapprocher pour sentir cette odeur-là."

Le 2 avril 2015, Adama Zongo était interpellé par les gendarmes puis placé en garde à vue, le puissant maire étant suspecté de malversations dans des affaires de parcelles.

Le village de Zekounga aurait aimé pouvoir crier victoire au vu des ces différents éléments. Mais la vigueur avec laquelle certains cadres de l'ancien régime continuent d'exercer leur pouvoir grâce à leurs affidés, a remplacé la joie par de l'inquiétude dans les coeurs de Zekounga.

En effet, malgré son incarcération, il semble que certains adjoints d'Adama Zongo aient continué de vendre des parcelles malgré la suspension des opérations foncières. Un groupe minoritaire venant de Yalgré, un quartier de Zekounga, semble par ailleurs utilisé pour donner l'illusion d'un conflit villageois larvé étranger au problème foncier. Pour introniser un des leurs chef coutumier, contre l'avis du Goug Naaba (chef coutumier de Zekounga) et sans respecter le protocole d'usage, ce petit groupe n'a pas hésité à attaquer récemment des villageois de Zekounga, pour voler masque et fétiches, armé de fusils et de machettes. En parallèle de ces tensions, un bénéficiaire de faux papiers d'attribution de parcelle s'est empressé de construire une villa privée sans que personne ne l'en empêche.

Symptomatique d'un période incertaine, ces récents rebondissement montrent à quel point les notions de lutte contre les biens mal acquis et la corruption restent fragiles face aux réseaux d'influence de certains poids lourds de l'ancien régime.

Alors que le jugement pour demander l'annulation du projet de lotissement se fait attendre, les démarches des villageois pour protéger leur terre de la gourmandise de l'ancien "puissant maire" sont à suivre avec attention.

Reportage réalisé entre décembre 2013 et avril 2014